Lysandre, tenant délicatement la tarte sous son bras, leva les yeux vers le château sinistre. Les murs de pierre froide, érodés par le passage inlassable de nombreux conflits, semblaient le défier de son audacieuse proposition de paix inattendue. Chaque pas menant à la lourde porte du château était comme une danse rythmée par le battement effréné de son cœur, qui ne cessait de prendre de l'ampleur à mesure qu'il approchait. Il avait beau masquer son anxiété derrière une expression impassible, son cœur palpitait avec une nervosité infinie. L'instant sembla s'étirer alors qu'il patientait à la lourde porte de chêne, sensible à chaque murmure du vent, à chaque grincement des gonds, chaque regard des gardes alertes du royaume ennemi. Et puis, après une éternité condensée en quelques instants, le portail s'ouvrit en grinçant. Le roi orge, un homme au comportement sévère et aux traits nobles, était assis sur le trône de marbre noir, entouré de ses fidèles chevaliers. Le silence régnait dans la salle, rompu uniquement par le crépitement impatient des torches au mur. Posant la tarte sur la table en face du roi, Lysandre déclara courageusement, 'C'est là un symbole de paix, une recette famille que je donne en gage de trêve'. Le roi Orge resta silencieux un moment, inspectant l'offrande culinaire avec un regard indéchiffrable avant d'appeler son maître d'hôtel, un personnage ratatiné avec une toque blanche dépassant de tous côtés son visage rond et rose. Il avait des yeux pétillants de malice et, malgré son âge avancé, faisait preuve d'une vivacité infectieuse. A la surprise de tous, Lysandre compris, il releva les manches de son habit multicouché et s'empara d'une petite cuillère d'argent effilée, avant d'entamer méthodiquement la dégustation. Le roi et Lysandre attendirent, retenant leur souffle, tandis que le maître d'hôtel mâchouillait la tarte. Un léger grognement lui échappa, suivi d'un hochement de tête approbateur. 'Un équilibre des saveurs parfaitement maîtrisé, dénote l'expertise et le soin du créateur', annonça-t-il en regardant autour de lui, engendrant un murmure de surprise en écho. C'est ainsi que la guerre qui aurait pu se régler par l'épée pris une tournure délicieusement inattendue : une bataille culinaire. La nouvelle se diffusa comme une traînée de poudre parmi les deux royaumes, apportant une lueur d'amusement dans les yeux fatigués des citoyens. Les cuisines des châteaux – généralement dédiées à la préparation de festins pour les bals et banquets – brillaient désormais d'une nouvelle ardeur. Les cuisiniers s’affairaient, la fine équipe sous les orders du maître d'hôtel de chaque royaume, équipés de leurs tabliers brodés et émaillés, exécutaient des manœuvres culinaires avec autant de rigueur et de précision qu’une attaque d’infanterie. Des nuages de farine explosaient comme des fumigènes, des explosions de caramel brûlé résonnaient comme des cris de victoire, des pièces montées dégringolaient comme des tours assiégées. Cette guerre culinaire apporta un vent nouveau, détournant l’attention de la fatigue de la guerre vers une compétition gastronomique. Même si le cœur de Lysandre s'était engagé dans cette nouvelle manière pacifique de se battre, il ne put s'empêcher de penser à la princesse Rosaline, brillante et belle comme la lueur des étoiles du crépuscule. Il se demandait si cette bataille des saveurs pouvait réellement créer un lien entre leurs royaumes, un espoir pour leur amour interdit.